Ce que je m’en vais vous conter ici mes amis est ce qu’on appelle une aventure au sens le plus noble du terme. Une Aventure avec une majuscule même! Du suspense, de l’amour, de la peur, du danger et des références américaines comme cela a rarement été fait jusqu’à présent! Je vous présente donc une production made in HappyMonde :
Le film débute comme tous les grands films noirs par une vision panoramique d’une ville paisible. C’est le soir, et tout semble tranquille. Une lumière diffuse attire l’attention de la caméra qui se focalise progressivement sur une petite enseigne de restauration rapide avant de nous montrer le plan d’un restaurant.
Après une longue journée de triomphe capitaliste identique à toutes les autres, la masse des bons employés s’apprête à quitter son lieu de travail alors que l’équipe du soir continue son office. Prendre commande, encaisser, cuisiner, servir, nettoyer ; les tâches nées d’une longue habitude s’enchaînent à un rythme qui n’a rien d’exceptionnel. Et pourtant, un grain de sable va se prendre dans ce mécanisme si bien rôdé, jetant peur et consternation sur le petit microcosme… (Je fais bien le suspense hein ?)
Dans le calme ambiant et la douceur de cette nuit hivernale, chacun s’apprête à prendre son repas à l’extérieur afin de profiter de la première cigarette post-boulot. Je rappelle que nous sommes dans une production subversive nom d’une banshee en jupe! Et c’est à cet endroit que nous rencontrons notre ténébreux et non moins héroïque héros, le manager du restaurant, le bien nommé Managerorator. Le voici qui prend une pause bien méritée, le regard sérieux et la cigarette à la main. Un début de barbe lui mange le visage et ses yeux d’un noir d’encre se posent sur ses subordonnées tandis qu’il médite sur la suite de la soirée qui s’annonce tranquille. Trop tranquille peut-être…
A l’intérieur de l’établissement, une formatrice munie d’un casque s’occupe du drive. Pointée depuis plusieurs heures, elle prend les commande d’une voix fatiguée, répondant sans vanité aux clients qui la pressent d’aller toujours plus vite. Lorsque, tout à coup, paf sans s’annoncer, déboulent deux individus cagoulés!
L’un des deux clowns masqués, armé, se fait menaçant. Et ayant déjà bien travaillé ses répliques le voici qui place sa phrase de la soirée, une répartie d’une originalité sans borne, efficace et percutante comme on n’en fait plus : « donne ta caisse ! ». Il aurait pu rajouter un truc comme « ou je te bute », ça aurait été plus classieux, mais le budget réplique est juste, nous avons même hésité à en faire un film muet pour tout vous dire…

Le manque de réactivité de la damoiselle en détresse lui inspirant frustration et envie de meurtre, notre pied nickelé s’emporte et tente alors de pénétrer le sanctuaire de la restauration rapide via la fenêtre non sécurisée. C’est ce qu’on appelle la scène d’action. Là vous pouvez imaginez tout ce que vous voulez, un hélicoptère avec une échelle en corde qui le hisse, un grappin pour descendre du toit…
Managerorator, heureusement alerté par le remue-ménage du drive, n’écoute alors que son courage et se jette en hurlant des insanités à la figure de nos deux dangereux individus qui menacent la bonne marche de l’établissement avec une arme. On avait pas beaucoup de budget non plus pour les accessoires. Et donc les braqueurs, bien qu’armés, décident donc fort logiquement de s’enfuir… A pieds! Non mais on avait tout donné pour les échelles en cordes de tout à l’heure, un scooter c’était trop cher.
Gros plan sur le héros scrutant la nuit les sourcils froncés tandis que la damoiselle en détresse se serre contre son cou et… Fin !
Générique de fermeture.
Et oui, j’avais promis un article sur le drive ; et même si c’est indirectement à propos du drive, c’est un autre article que celui que j’avais prévu qui nous occupera aujourd’hui.
Comme vous vous en doutez probablement déjà à ce stade de la lecture, mon McDonald’s a subi une tentative de braquage. L’évènement de l’année s’est passé très vite et après cette grosse journée de travail j’étais tout simplement dans les vestiaires, c’est pourquoi ce que je vous relate est donc davantage du rapporté que du vécu. Cependant il m’a semblé que ce scénario digne d’un mauvais film mérite bien d’être ici rapporté avec une certaine licence poétique.
En revanche j’étais présente lorsque la police a fini par arriver et je ne m’étendrai pas sur l’inutilité de la chose bien que cela aurait été assez digne de ces films hard-boiled où la police est tournée en ridicule. Finalement nous avons fermé le restaurant pour la soirée sous les insultes d’un certain nombre de clients qui ne comprenaient pas ce qu’il se passait et il me semble que d’autres McDonald’s dans le coin ont suivi l’exemple.
Après l’embauche à McDonald’s, on vous colle dans un petit bureau pour vous montrer diverses vidéos « de formation ». L’une de ces vidéos fait parfois beaucoup rire car très dramatisée. Cette vidéo, consacrée au braquage, indique notamment qu’en cas de tentative de vol, l’équipier ne doit en aucun cas « jouer au héros ». Pas de résistance, pas de bouton d’alarme caché. On donne l’argent et basta. Emballé c’est pesé. Dans les restaurants de petites villes, les équipiers ont tendance à ne pas vraiment se sentir concernés car ils s’imaginent confusément que ce genre de choses n’arrive que dans les quartiers mal famés des grandes villes.
La direction, en accord avec elle-même, a décidé de ne pas prendre de vigiles. A priori leur présence antérieure n’a pas semblé efficace par le passé (faut dire qu’on en a déjà eu deux depuis que j’y bosse et c’était pas vraiment des champions du monde). Il paraît aussi que ça exploserait le quota de personnels, parce que ces gens-là faut les payer. C’est ballot…
McDonald’s France n’a pas souhaité mettre en place de cellule spécifique pour prendre en charge les équipiers présents car le dommage ne touche pas assez de monde. En revanche, il est tout de même question que la formatrice concernée puisse passer par la médecine du travail afin que la franchise prenne en charge d’éventuels frais médicaux d’ordre psychologique (je le rappelle encore une fois, McDonald’s France et la franchise sont deux choses différentes).
La direction dit réfléchir à l’éventualité d’installer des fenêtres sécurisées. Sans volonté de persiflage, j’aurai tout de même tendance à souligner que le faux plafond nous tombe parfois dessus, que le système de chauffage n’est pas parfaitement opérationnel, et que le matériel en général est régulièrement défectueux. La chambre froide négative est tellement pleine et mal agencée qu’à chaque fois que je dois y aller j’ai peur de recevoir un carton sur le coin du museau. Dans ces conditions il me paraît difficile d’envisager l’achat et l’installation de guichets de paiement sécurisés qui doivent certainement être assez onéreux. Et en même temps j’espère que l’idée fera son chemin et finira peut-être par être concrétisée, car il me semble important que les travailleurs se sentent pris en considération dans leurs angoisses et puissent être en sécurité sur leur lieu de travail.